mercredi 6 mai 2009

Un peu de calme s’il-vous-plaît



(Cet article est le fruit de calculs qui traînaient sur mon bureau depuis le mois de mars. Je fais le ménage).

La récente crise financière a fait paniquer beaucoup de gens. Il faut dire que les propriétaires de portefeuilles risqués ont vu fondre leurs économies drastiquement. D’un autre côté, si vous aviez un portefeuille risqué à quelques mois de votre retraite, vous étiez très mal conseillé. En vieillissant, il faut diriger son épargne vers des produits à moins haut potentiel, mais dont le rendement est mieux garanti. Comme des obligations gouvernementales.

Pour vous rassurer, et pour me rassurer un peu moi aussi, j’ai joué un peu avec les données des principaux indices américains. Tout ça m’a mené à des chiffres intéressants. En fait, un chiffre intéressant : 5%. Retenez bien ce chiffre.

Petit rappel : en finance, un rendement de 4% est considéré comme pépère. Et un rendement de 10% (ce que promettait Bernard Madoff à ses clients) est considéré comme louche, trop beau pour être vrai. La fourchette entre excellent et mauvais est très serrée.

Je lisais récemment un article qui citait l’oracle d’Omaha, Warren Buffett. Ce dernier qualifiait d’excellente la croissance moyenne de l’économie américaine au 20e siècle. Elle s’établit environ à 5% par année. Monsieur Buffet prédisait qu’il serait difficile de maintenir une telle croissance au cours du 21e siècle.

J’ai joué sur les courbes historiques des grands indices américains. J’ai pris une fenêtre de 30 ans d’épargne, et je l’ai promenée sur la courbe. Exemple, 1945 à 1975. Ou 1967 à 1997. Et bien, peu importe où je me plaçais, le rendement annuel moyen jouait entre 4.5% et 5.5%. En d’autres termes, le rendement de papi, qui a vécu le choc pétrolier des années 70, est comparable à celui de l’oncle Pierre, qui a vécu le marasme du début des années 80. Et il est comparable à celui de Roger qui a vécu l’envolée des années 90. Sur une fenêtre de 30 ans, crise ou pas, en tenant compte d’une inflation moyenne de 2% par année, tout le monde a un rendement annuel d’environ 5%. Rassurant, non?

Bon, il y a une portion de chanceux qui ont retiré leurs billes juste avant l’effondrement. Ou d’autres moins chanceux dont la fenêtre survolait le choc pétrolier de 73 et les grises années 80, avec une sortie du marché juste avant l’envolée. Mais malgré tout, ils restent près des moyennes, avec environ 6% de rendement pour les chanceux, et 4% pour les malchanceux.

Ces dernières années, les bourses déliraient. Sur certaines années, le Dow Jones nous donnait des rendements moyens de 15%. L’indice S&P 500 tapait même dans les 30% par moment. De quoi rêver. Et nous avons beaucoup rêvé. Beaucoup, beaucoup. Quand on regarde les courbes, on remarque un délire d’ascension qui commence dans les années 90. Et puis paf : la crise! En quelques mois, elle efface 15 ans de délire. Une sorte de correction pour 15 ans d’hystérie.

Si on reprend la courbe la où elle était en 1993, et qu’on la fait croître selon un axe un peu plus fidèle aux données historiques, on arrive là où on est aujourd’hui. D’une certaine manière, la crise est artificielle, parce qu’elle efface une croissance déraisonnable.

Dans l’avenir, il y aura d’autres excellentes années. Il y aura des années mornes. Et certainement d’autres années catastrophiques. Si vous voulez ma prédiction, sur 30 ans, votre petit REER (au Canada) ou votre petit livret A (en France), s’il reste dans la moyenne, devrait vous livrer un rendement annuel moyen de 5 à 6% (après déduction de l’inflation). Alors calmez-vous.

Vous allez commencer à économiser vers 35 ans. Avant, c’est difficile : on vient d’entrer sur le travail et le salaire est bas. Il faut aussi rembourser les dettes d’études. Mais vers 35 ans, vous allez vous y mettre sérieusement. Et pendant 30 ans vous ferez votre devoir d’épargne. À 65 ans, ce sera l’heure de la retraite. Tout ira très bien, et malgré quelques nuits d’angoisse, vous aurez fait du 5% comme la majorité des gens.

Respirez profondément.

Source photo : wikipedia.


Ça va? Vous êtes calme? Boooonnnn... c’est très bien.

Maintenant, PANIQUEZ!!!!!!

Combien vous voulez à la retraite? Si vous étiez retraité aujourd’hui, combien il vous faudrait par année? Disons un revenu brut annuel de 30 000$, c’est raisonnable, non? Imposé à 20%, il vous resterait 24 000$. Environ 10 000$ pour vous loger, 3 000$ pour voyager, et la bouffe, les dépenses courantes, un peu d’argent pour gâter les petits-enfants à Noël, les coûts de santé parce qu’on vieillit, etc. On est loin de la villa sur la Costa del Sol. Rien d’extravagant, mais quand même pas la pauvreté. Une petite retraite tranquille, quoi.

Et bien pour avoir l’équivalent des 30 000 $ d’aujourd’hui lorsque viendra votre retraite, vous devez épargner 10 000 $ par année. Dès maintenant. Right fucking now! Et indexé à l’inflation en plus, donc 10 200 $ l’année d’après, et 10 404 $ l’année d’après, ainsi de suite. En connaissez-vous beaucoup des gens de la classe moyenne qui épargnent 10 000 $ par année? Donc si vous rêvez d’une retraite dorée, commencez à vivre très chichement, et au plus vite. Et je parle en dollars, mais c’est la même chose en euros. Donc ne riez pas trop, les Français... Au prix où est le logement en France, je doute fort que vous économisiez beaucoup. Votre seul espoir est que l’euro reste très fort par rapport à la devise américaine. Ainsi, à la retraite vous pourrez déménager en Amérique et profiter du taux de change.

C’est pas compliqué. Au rendement annuel de 5%, pendant 30 ans, les intérêts cumulés triplent le pouvoir de votre épargne. Si vous épargnez maintenant l’équivalent d’un mois de loyer, cet argent vous permettra de vous payer 3 mois de loyer en 2039. Donc, si à la retraite vous voulez maintenir votre niveau de vie actuel, prenez vos dépenses de 2009 et divisez-les par trois. Le résultat est la somme que vous devez épargner cette année (et toutes les années suivantes, en indexant svp). Et ce calcul prévoit que vous devez mourir avant l’âge de 85 ans. Bonne chance.

Bon, je n’ai pas inclus les sommes qui pourraient vous être versées par votre gouvernement. J’ai calculé comme si vous deviez assurer vous-même, tout seul, vos revenus de retraite. Mais au rythme auquel nos gouvernements se désengagent ces jours-ci, j’aime autant être pessimiste au sujet de leur contribution à mon bien-être futur.

Svp, si vous êtes plus optimiste, corrigez mes calculs... J’en serais ravi.


1 commentaire:

Unknown a dit…

Et voilà pourquoi les babyboomer ont inventé le concept des maisons inter-générationnelles... Parce que je sais pas toi quel âge tu as, mais moi, pauvre X né en 65, c'est plutôt 20K par année que je devrais mettre en REER chaque année... (je parle en dollar québécois). Mais la réalité, et celles des copains de mon âge, c'est qu'on peine à mettre plus de 5 ou 6K... Qui va s'occuper de nous alors? Ben on a intérêt à rester en bon terme avec nos marmots (pour ceux qui en ont), car je ne vois guère d'autres sources de support lorsque nos maigres économies auront servi à financer le système de santé... En fait, je crains fort, vu la pénurie de main d'oeuvre anticipée au Québec dans une vingtaine d'année, qu'on devienne le cheap labor de l'establishment d'alors : on se recyclera en nounous, en jardiniers, en cuisiniers, en hommes et en femmes de ménage, bref en une sorte de domestique «maison» pour permettre à nos enfants de s'investir massivement sur le marché du travail qui aura tout à leur offrir puisqu'en pénurie de main d'oeuvre... Et en échange, ces derniers nous hébergeront dans leur maison inter-générationnelles, amplement subventionnées par un ministère quelconque.

Vous riez peut-être, mais c'est un concept éprouvé. Et depuis plusieurs millénaires. En fait, l'indépendance des aînés est un concept assez nouveau dans l'histoire de l'humanité... Malheureusement je ne suis pas certain qu'il survive très longtemps encore...

Ah, elle est tu pas belle la société?