lundi 15 juin 2009

Praha IV : eat my meat



Si j’étais cardiologue et que je devais organiser un congrès pour les membres de ma confrérie, je ferais ça à Prague. Pour l’ironie de la chose. Selon ce site, la République Tchèque arrive quatrième, loin devant les USA, pour le risque d’attaque cardiaque.

Prague est sans l’ombre d’un doute la ville rêvée du suicide par caillot graisseux. Dans tout bon resto, on trouvera un plat national composé d’une généreuse portion de viande en sauce, de choucroute bien grasse, et d’une sorte de pain-vapeur expressément conçu pour éponger tout ce qui pourrait rester du jus de cuisson. Saucisses, jambons, charcuteries, canard entier, pièces braisées, steaks. On accompagnera le tout, bien sûr, d’une belle choppe de bière. Et pour finir, une pâtisserie, et une cigarette, puisqu’on peut fumer partout. Magnifique!

Moi, je ne m’en plains pas. J’aime bien l’occasionnelle orgie protéinique. Je suis Américain, après tout. J’ai d’ailleurs mangé à Prague l’entrecôte la plus succulente depuis mon arrivée en Europe. Un beau morceau argentin juteux, bien saignant, et parfaitement fondant malgré ses deux centimètres d’épaisseur.

Certains d’entre vous pourraient vouloir me traiter de « maudit pollueur », me rappeler que produire un kilo de viande nécessite treize fois plus d’eau qu’un kilo de céréales. Moi aussi j’ai vu Home. Et bien sachez que je suis très environnemental depuis mon arrivée en France. Je ne mange presque plus de steak. Il faut dire que depuis la vache folle, les Français mangent du Charolais, une race locale. Ancienne bête de somme, le Charolais semble avoir conservé dans sa génétique une certaine coriacité. Pour déguster cette viande, je suggère d’utiliser comme couverts une fourchette et une machette.

Là j’entends mes lecteurs français commencer à houspiller, mus par un patriotisme bien compréhensible. « Le steak étranger est plein de liquide », dira-t-on. Peut-être, mais au moins il est comestible. « C’est mieux qu’attraper la vache folle », me criera-t-on. Ce à quoi je réponds que cette maladie vaut bien les autres formes de sénilité enduites par une trop longue exposition à la vie parisienne. Et je suis certain que la race Charolaise cause un nombre insoupçonné d’asphyxie par obstruction de la trachée. Amis Français, acceptez le fait que vous êtes nuls en steak. On ne peut pas réussir dans tout. Consolez-vous en vous rappelant que je vendrais ma mère pour vos charcuteries, mon père pour votre confit de canard, et le reste de ma famille pour votre foie gras.

Mais revenons à Prague. Le supermarché praguois est un festival pour les yeux du meat-lover. Saucisses-à-gogo déclinées dans toutes leurs versions, des cuites fumées aux crues. Saucissons. Mortadelle. Lard fumé, lard salé, jambons à l’infini, bacon. Toute une longue rangée de chaire fraîche, rose et tendre, devant sa cohorte de bouchers moustachus et bedonnants, comme on les aime (il n’y a rien de plus suspect qu’un boucher maigre).



Paris fait dans le raffiné, dans la tradition, et c’est très bien. Prague aussi, sait faire. Mais la capitale Tchèque offre également le populaire. L’économique. La charcuterie du prolétaire. Ici, je parle du saucisson de Bologne. Au Québec, on dit familièrement « Baloney ». C’est jamais super au goût, mais moi, ça me parle. Je trouve ça révélateur. J’ai l’impression que ça raconte l’histoire d’un peuple. C’est un indice de son passé économique. Si on a « inventé » le pied de porc au Pays basque, ce n’est pas par ennui de l’opulence. Et si on a mangé des tripes à Caen, ce n’est pas parce qu’on était fatigué du jambon. Vous comprenez où je veux en venir? Alors à Prague, j’ai été fasciné par la large variété de saucissons industriels, ces espèces de pâtés ultra-moulinés, artificiellement-savourés, et qu’on saucissonne dans de gros tubes de plastique alimentaire. Souvenirs d’une alimentation soviético-industrielle. Il y en avait dans toutes les couleurs et variantes. J’ai même vu des versions vraiment moches, dans un emballage vieillot. Le genre de produit qu’on n’a pas abandonné, malgré la chute du mur. Parce qu’on avait l’habitude. Et ça se vend encore un peu, aux nostalgiques, et aux p’tits vieux qui aiment bien leurs bons vieux trucs.



Chose certaine, les Tchèques aiment leurs charcuteries comme en fait foi cette photo de saucisson en forme de cœur. Un joli cadeau pour un cardiologue gourmand.




1 commentaire:

Patrice a dit…

Est-ce que c'est de la gélatine autour des saucisses à gauche?

Ce qui me faisait saliver hier me lève (presque!) le coeur aujourd'hui. La charcuterie était une façon normale (et la seule, à l'adolescence) de se nourrir quand je ne voulais pas cuisiner.

Je ne sais pas trop ce qui m'a fait changer mes habitudes mais depuis que je suis au Québec, ma dose de protéines animales est descendue en flèche.
Ma dose de céréales (houblon, avoine, orge) par contre, a subi une augmentation exponentielle!

Vive le Québec ivre!