dimanche 26 juillet 2009

Le syndical est un langage



« Le syndical est un langage, et la France est le meilleur endroit pour l’apprendre ». J’ai cette boutade de mon cru qui traîne dans la liste de mes sujets de blog depuis des mois. Je ne sais pas trop quoi en faire. Je n’ai pas d’idée structurée, pas d’angle clair. Encore une fois, comme tout le reste, c’est seulement une impression d’expatrié.

Depuis des mois, je collectionne ces petits prospectus syndicaux qu’on me remet à mon arrivée au travail. Une ou deux fois pas semaine, un cordon de syndiqués se poste à l’entrée de la grande tour. Les militants distribuent un petit bulletin de nouvelles à tous ceux qui passent. Ils sont souvent six ou sept. Ils sont sympas, mais pas discrets.

À mon arrivée en France, j’avais été impressionné par cette forte mobilisation. Aussi par la teneur des bulletins distribués. Leur langage est assez fort. Sarcasme, accusations, manichéisme (les patrons ne sont jamais honnêtes), dérision, diabolisation, caricature. Voici quelques extraits :

« Cela démontre une fois de plus le mépris de la direction vis-à-vis de ses salariés! »

« … le petit Nicolas … » (pour désigner Sarkozy)

« … les dirigeants et hauts cadres s’engraissent allégrement … »

« … dénoncer ce scandale … »

« … des mauvais coups se préparent … » (en parlant des patrons)

« Que Jérôme Foucaud tourne sept fois… car il est attendu au tournant. »

Dans cette dernière citation, j’ai mis remplacé le nom réel d’un quelconque patron par le nom fictif de « Jérôme Foucaud ». Mais dans les brochures syndicales françaises, on nomme les gens. Le ton est à l’accusation personnelle directe et un peu menaçante : « Tremblay a menti lorsqu’il a dit… », « Bergeron doit savoir que ses actions sont surveillées. » Etc.

Source photo : wikipedia.


Ce qui m’impressionne le plus, c’est que ce langage plutôt vindicatif est utilisé en temps de paix. Au Québec, je suis habitué à plus de diplomatie. Les attaques personnelles et les remarques assassines sont réservées pour les conflits graves. La plupart du temps, la mobilisation syndicale se fait dans l’ombre. Les dossiers avancent sans trop de bruit. Les négociations se font sans trop de théâtre.

Peut-être que le syndicat français est moins intégré dans le processus décisionnel. Peut-être que le syndicat est considéré comme un organisme marginal. D’où la nécessité de faire plus de bruit. De crier plus fort.

Reste que l’apparence de forte mobilisation, les nombreux mouvements de grèves concertées, et l’acidité des communications, m’avait donné une impression de très grand militantisme. C’est pourquoi j’avais été très surpris en lisant, il y a quelques mois, que la France est presque moitié moins syndiquée que l’Amérique. (À ce sujet, je vous renvoie vers un de mes textes de mai dernier).

En guise de conclusion à ce texte sans direction, je vous invite, si vous en avez l’occasion, à bien remarquer ces véhicules suspects qui suivent souvent les grandes manifestations françaises. Vingt-cinq ou trente voitures sombres, banales, conduites par des mecs en imperméable gris portant des lunettes noires. Observez bien, il n’est pas toujours facile de les détecter. Ces voitures suivent discrètement la parade, essayant de se fondre dans la circulation. Police secrète venue observer les manifestations pour prendre des notes et monter des dossiers? Pas exactement. Il s’agit plutôt de manifestants du CNSP-ARP, un syndicat de détectives privés… ;-)


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