mercredi 16 février 2011

3 jours à Palerme

Bon, ce n'est pas 100 jours. Mais la fin est moins sanglante. Voici quelques-unes de mes notes sur un long week-end dans la capitale sicilienne.


Jour 1

Dès l'aéroport "international", on sent que Palerme vit en retrait des voies touristiques principales. Pour un ville de 1,5 million d'habitants, qu'une petite demi-douzaine de portes d'embarquement. Le tarmac presque désert : trois moyen-courriers low-cost, et le nécessaire Alitalia. Ils repartiront après une escale de 45 minutes. On ne fait pas le plein à Palerme. Une vingtaine d'arrivées par jour, le week-end. Je n'ose pas imaginer le lundi.

Palerme ressemble à un gros Hochelaga-Maisonneuve qui aurait été bombardé, mais il y a très longtemps. Ce qui est le cas.



L'ambiance est délinquante. Entre ruines et édifices en passe de le devenir opèrent des trésors de marchés. Poissons frais, darnes d'espadon à même la bête, petits calmars, broccolis vert tendre, olives géantes, câpres au sel, vendeurs d'anchois, agrumes, fenouil, pistaches, boutargue et thon séché. Les mobylettes poussent les gens, on crie, on invective. Sur les mêmes marchés, les jeans à 5 euros qui iront bailler sur les culs locaux, les cotons flasques, les nappes en vinyle, les rideaux en polyester. Plus haut, aux balcons, sèchent les mauvaises fringues achetées six mois plus tôt.

Marché du quartier Capo.


Marchand d'anchois.


Vendeur de broccolis itinérant.


Dans les venelles, murs écroulés et sofas abandonnés en 1983. Près des porches, des trios de chiens pouilleux dorment au soleil, les uns sur les autres. Les femmes font ce qu'elles peuvent, les mecs ont abdiqué. Des gueules qui semblent n'avoir jamais envisagé plus loin que la fin du mois. Même sur les rares vestons, on détecte dans l'absence de lustre la marque d'un temps dur qui s'éternise en normalité. Pas de soie luisante ici. Pas de mouchoir, pas de cuir verni. Peut-être quelques vieilles Mercedes poussiéreuses, mais rien de plus. Que du stuc qui s'effrite, des carreaux cassés, et les enseignes rouillées de cafés fermés il y a longtemps. Ça vit. Mais ça n'attend rien. Une seule chose semble compter : de la bouffe fraiche dans l'assiette. C'est déjà ça.


Jour 2

Palerme trouve un certain charme dans la tranquillité du samedi matin. Les rues désertes des vieux quartiers, l'occasionnel vendeur de fleurs qui promène son chariot vers le marché, l'herbe qui s'accroche à la pierre sale des balcons. C'est une ville peinte pour la lumière rude des étés brûlants, un dédale qui appelle une lassitude accablante. En février, on dirait qu'elle attend cet été comme un vieil amour malsain surtout fait d'habitudes.







Malgré tous les documentaires du Discovery Channel, l'Occident n'est pas parvenu à totalement démoniser Il Duce aux yeux des Siciliens. Discrètement, il garde sa place dans les magasins de souvenirs et les tabacs. Au même titre que Jean-Paul II, on lui dédie briquets, calendriers, assiettes décoratives. Dans la vie, chacun sa gamelle : Che Guevara ou Mussolini. Frijoles ou pasta.

Étrangement, cette ville fait moins peur le soir que le jour. Mais c'est peut-être le vin qui me fait ça. Je ne saurai pas pour la nuit ; je vais me coucher.



Jardin Garibaldi.


Jour 3

Dimanche, petit matin, je m'offre le luxe de traverser la rue lentement, sans craindre de finir encastré dans un pare-chocs.

Il y a un potentiel à Palerme. La Meditérannée, la Vucciria, la Kalsa. Ça pourrait être Barcelone. Pour commencer, quelques coups de pinceau sur la quantité de façades grandioses qui attendent une deuxième vie. Nettoyer les rues ; les gens y abandonnent bouteilles de bière, carcasses de voiture, matelas et vieux lavabos. Vider les poubelles qui débordent. Tenter de changer les mauvaises habitudes. Ne plus tolérer le stationnement sauvage sur les jolies places. Ni les raccordements électriques douteux. Dé-barricader les églises fermées. Et puis après, si on trouve du fric, travailler le bord de mer. Enlever le béton, mettre un peu de sable. Ensuite trouver un coeur de ville, un point de rassemblement.

C'est peut-être en train d'arriver. Quand on s'enfonce dans les ruelles sombres la nuit, les fesses un peu serrées, on trouve des piazzettas avec de sympathiques enotecas. Mais bon, qui suis-je pour pontifier ? Les Palermitains peuvent bien m'envoyer chier avec mes grandes ambitions, c'est leur droit.











Je dirais que Palerme est une destination pour qui a envie d'un air de clandestinité, d'un certain laisser-aller. Une authentique négligeance, un côté délinquant. Mais surtout pas la "délinquance" à la Jean-Paul Gaultier. Plutôt celle qui, occasionnellement, passe la nuit en prison.




2 commentaires:

Unknown a dit…

Ton article est très agréable à lire. Ca donne une belle approche pour pouvoir découvrir Palerme un weekend facilement.
Merci pour ton travail ça m'a donné des idées pour ma prochaine visite.

Au plaisir!


Maxence

Mon nom est Paul a dit…

Y'a pas de quoi.