vendredi 15 avril 2011

Affaire Cantat-Mouawad : l'importance de se taire

L'événement médiatique du moment au Québec, c'est la tempête Mouawad-Cantat. Il y a quelques jours, l'homme de théâtre Wajdi Mouawad (Incendies, Littoral, Forêts) annonce qu'il confiera la musique de sa prochaine mise en scène, le Cycle des femmes de Sophocle, à Bertrand Cantat. Tous connaissent le chanteur pour son implication dans la mort de l'actrice Marie Trintignant.

Impact immédiat, déchaînement total. On somme Mouawad d'expliquer sa démarche, mais ce dernier préfère garder le silence. Tous les médias commentent l'affaire, les chroniqueurs s'épanchent, les personnalités publiques aussi. Christine Saint-Pierre, ministre de la Culture, des Communications, et de la Condition féminine (drôle d'ironie) se porte à la défense du metteur en scène. Mais de son côté, la présidente du Conseil du statut de la femme parle de « banalisation de la violence faite aux femmes ». Est évoqué un boycott du Théâtre du Nouveau-Monde, lieu où doit être présenté l'oeuvre. Le Centre national des Arts du Canada annonce qu'il s'opposera à la venue de Cantat. En résumé, gros bordel dans les chaumières.


Source photo : wikipedia.


Toute cette histoire ne m'intéressait pas beaucoup, jusqu'à l'intervention de Nathalie Petrowski, chroniqueuse-vedette du quotidien montréalais La Presse. Dans son papier, disponible en ligne, elle condamne le silence de Mouawad sur cette tempête qu'il a semée. Ça a suscité chez moi une réflexion sur le rôle de l'art, et surtout celui de l'artiste.

Pourquoi Mouawad devrait-il parler ? Qu'il continue à se taire, là est sa mission. Pourquoi souhaiter un art didactique ? En invitant Cantat, Mouawad nous donne l'occasion de faire face, comme société, à nos limites. Il nous force à jeter un regard sur ce que nous sommes.

L'affaire Cantat est une mine de questions fascinantes. Peut-on séparer de l'homme de l'artiste ? Quelle réhabilitation sommes-nous prêts à lui concéder ? Est-il condamné à l'exil perpétuel ? Quel est le prix du pardon, et est-il le même pour tous ? L'ampleur du châtiment est-il directement proportionel à la notoriété ? Au fond, le pardon existe-t-il vraiment ? Certains actes sont-ils impardonnables ? Nos catéchèses de droit commun sont-elles hypocrites ?

Je ne veux pas me lancer publiquement dans ces questions. Mais je peux au moins encourager Mouawad à continuer dans le silence. L'art est trop souvent subjugué à une mission didactique. Il est trop souvent complaisant, lénifiant.

Que Mouawad joue son rôle, celui d'un alchimiste dont les mélanges finissent à l'occasion par nous péter au visage. Qu'il nous tende les miroirs. Qu'il nous lance les pavés, sans nous dire comment les attraper.

4 commentaires:

La tortue légère a dit…

Ouaip. Oauip. De l'art du vide sidéral quand on se mêle de trop à ce qui dépasse le faits divers et moua je m'en fous. Que les artistes soient artistes, siouplé !!!

Olivier a dit…

Eh bien Mouawad a parlé. Il a visiblement tenté de dépassionner le débat. Mais, selon ses mots, ce n'était «pas une justification car l'artiste n'a pas à se justifier».

maman huitre a dit…

ben moi j'ai toujours dit que si Cantat devait sortir un album je l'achèterais, non je ne suis pas pour les violences faites aux femmes mais je juge l'artiste et pas l'homme et peu importe qu'il travaille ou pas, peu importe qu'il vende des disques ou pas ce qu'il a fait lui pèsera à jamais sur la conscience

noèse cogite a dit…

Le silence c est facile...
On peut y mettre un peu de tout,,de la lâcheté sans que cela n'y paraisse trop,,,même du courage!
Mais Lorraine Pintal a dû ,elle, seule, défendre le metteur en scène et son choix.
C est un choix commun ,,,elle et lui,,,mais elle fut seule dans la tourmente face aux abonnés mécontents qui ont voulu être remboursé.....
La lettre de Mpuawad ds le Devoir est édifiante:)
Bien le bonjour Paul!